Recommandation N°80-04
Location de locaux à usage d’habitation

BOSP du 17/10/1980

La commission des clauses abusives,

Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services, et notamment son article 37 qui prévoit la compétence de la commission pour connaître des contrats « habituellement proposés par des professionnels à leurs contractants non professionnels ou consommateurs »;

Vu le code civil;

Vu la loi du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement;

Vu le décret n° 78-464 du 24 mars 1978 portant application du chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;

Vu les accords signés dans le cadre des travaux de la commission permanente pour l’étude des charges locatives et des rapports entre propriétaires, gestionnaires et usagers;

Vu le rapport du comité national de la consommation sur les clauses abusives dans les contrats de location de locaux à usage d’habitation;

Vu les saisines de la commission des clauses abusives émanant d’organisations de consommateurs agréées et de la commission elle-même;

Entendu M. Delmon, président de la commission permanente pour l’étude des charges locatives et des rapports entre propriétaires, gestionnaires et usagers;

Entendu les représentants des organisations de locataires et de professionnels intéressés.

Considérant que les contrats de location de locaux à usage d’habitation proposés aux locataires ne comportent pas toujours toutes les mentions utiles à l’information des locataires sur leurs droits et leurs obligations, qu’il en est ainsi plus particulièrement:

– de la référence au régime juridique auquel est assujetti le contrat; qu’une telle mention doit permettre au locataire de savoir si le contrat qu’il signe est régi ou non par la loi du 1er septembre 1948 susvisée ou toute autre réglementation, notamment relative aux logements sociaux;

– du texte intégral de tous les documents portant des obligations, en particulier du règlement intérieur régissant l’immeuble loué et du texte des accords susvisés signés dans le cadre de la commission permanente pour l’étude des charges locatives et des rapports entre propriétaires, gestionnaires et usagers lorsque le bailleur s’est engagé à les appliquer;

– de la détermination de la durée du contrat et de la date à laquelle il prend effet;

– de l’identification et de la qualité des parties contractantes; qu’il doit être indiqué si le signataire du contrat agit à titre personnel ou en tant que mandataire; qu’en outre il doit être précisé qu’en cas de décès du preneur, le contrat puisse bénéficier au conjoint;

– de l’état des lieux contradictoirement dressé;

Considérant que le bailleur est généralement tenu des trois obligations suivantes:

1° délivrer les lieux loués suivant les conditions prévues lors de la conclusion du contrat et en bon état de réparation; ne pas modifier la forme des lieux loués, ni diminuer ou supprimer unilatéralement les services prévus; et ne pas obliger le preneur à prendre les lieux loués dans l’état où ils se trouvent au moment de l’entrée en jouissance sans pouvoir demander aucune remise en état ou réparation en cours de contrat;

2° entretenir les lieux loués; cette obligation lui imposant d’effectuer pendant la durée du contrat toutes les réparations autres que celles d’entretien courant et les menues réparations;

3° garantir le locataire pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage; il en est ainsi notamment des défauts cachés, des vices de construction, des infiltrations, des défauts dus à la vétusté; le bailleur est en outre responsable des fautes et des négligences de ses préposés; il est également garant de son fait personnel et du fait des tiers;

Considérant qu’il ne peut être dérogé aux obligations ci-dessus que lorsque le contrat prévoit une contrepartie exceptionnelle, par exemple sur le montant du loyer ou sur la durée de la location;

Considérant que le locataire est tenu notamment des trois obligations suivantes:

1° utiliser les lieux loués suivant la destination prévue par le contrat, en bon père de famille; toutefois, à condition de respecter ces limites, la jouissance des lieux est un droit qui ne peut être réduit: ainsi son bailleur ne peut lui interdire de fixer dans les lieux loués le siège d’une association; le bailleur ne peut lui interdire la possession d’animaux familiers;

2° payer le loyer et les charges; cependant, le bailleur ne peut augmenter le loyer en cours de contrat en fonction de conditions unilatéralement appréciées par lui-même; par ailleurs, le locataire n’est redevable que des charges récupérables telles qu’elles sont définies selon le régime juridique de la location considérée par l’article 38 de la loi du 1er septembre 1948 susvisée ou par les accords signés dans le cadre de la commission permanente pour l’étude des charges locatives et des rapports entre propriétaires, gestionnaires et usagers; en tout état de cause, le bailleur doit justifier ces charges et permettre au locataire d’en vérifier le montant réel;

3° restituer les lieux dans l’état où il les a reçus tels que constatés contradictoirement à l’origine, sous réserve de la vétusté; le locataire ne saurait être tenu de les remettre à neuf;

Considérant que lors de la conclusion des contrats de location, le dépôt de garantie exigé des locataires par certains bailleurs dépasse abusivement un montant équivalent à deux mois de loyer et qu’en fin de location ce dépôt de garantie est remboursé souvent tardivement, plus de trois mois après l’expiration du contrat;

Considérant que les clauses résolutoires peuvent être justifiées notamment à l’encontre du locataire de mauvaise foi qui ne paie pas son loyer, à condition qu’un délai suffisant soit toutefois accordé pour qu’il s’en acquitte; mais qu’elles peuvent être abusives lorsque le locataire se contente de faire valoir ses droits, en particulier, lorsqu’il demande la justification de la réalité des charges locatives et exige une juste répartition de celles-ci ou l’application d’une des clauses du contrat;

Considérant que les clauses prévoyant le paiement par le locataire des frais de recouvrement des loyers et des charges impayées s’analysent comme des clauses pénales qui en vertu des dispositions légales en vigueur peuvent être réduites par le juge;

Considérant que le locataire ne peut être tenu en cas de recouvrement judiciaire du remboursement de sommes autres que celles résultant de frais de justice stricto sensu et des intérêts des sommes dues; et qu’en cas de recouvrement non judiciaire, il ne peut être obligé que de rembourser les frais réels;

Considérant que le tribunal d’instance du lieu de l’immeuble loué est seul compétent pour connaître les litiges nés du contrat de location de locaux à usage d’habitation;

Considérant que les clauses contraires aux principes énoncés ci-dessus sont abusives au sens de l’article 35 de la loi susvisée du 10 janvier 1978,

Recommande:

I. — Que les contrats de location de locaux à usage d’habitation proposés aux locataires comportent:

1° l’indication des références du régime juridique auquel est assujettie la location;

2° la précision de la durée du contrat et de la date à laquelle il prend effet;

3° l’indication de l’identité et de la qualité des parties;

4° l’état des lieux contradictoirement dressé;

5° l’énumération des réparations locatives;

6° l’énumération des charges récupérables et une information sur l’évolution de leur montant et sur leur répartition au cours des douze derniers mois (notamment eau, chauffage, électricité, entretien);

7° une clause donnant au locataire toute la possibilité de vérifier le montant réel des charges dont le remboursement lui est demandé, par la production des pièces comptables justificatives ou celles des contrats que le bailleur a pu conclure à ce titre;

8° l’engagement par le bailleur de rembourser dans un délai maximum de trois mois à compter de la fin du contrat de location, le montant du dépôt de garantie, déduction faite, le cas échéant, des sommes qui lui sont dues;

II. — Que soient éliminées des contrats de location de locaux à usage d’habitation proposés aux locataires, les clauses suivantes ayant pour objet ou pour effet:

1° d’exonérer le bailleur de sa responsabilité en cas de non-délivrance des lieux loués dans les conditions prévues lors de la conclusion du contrat;

2° d’empêcher le locataire d’obtenir réparation du préjudice qu’il subit en cas de modifications unilatéralement effectuées par le bailleur, portant soit sur les lieux loués, soit sur les prestations prévues;

3° d’exonérer le bailleur de son obligation d’entretenir les lieux loués et de procéder aux réparations qui lui incombent;

4° d’obliger le locataire à souffrir toutes les réparations jugées utiles par le bailleur, sans aucune diminution du loyer, même si les réparations durent plus de quarante jours;

5° de limiter l’obligation de réparation du bailleur aux seuls travaux visés par l’article 606 du code civil;

6° de décharger le bailleur de son obligation de garantie, notamment en cas de défauts ou vices empêchant l’habitation des lieux loués dans des conditions normales;

7° de décharger le bailleur de sa responsabilité du fait de ses préposés;

8° de limiter le droit du locataire de jouir en bon père de famille des lieux loués, notamment d’interdire directement ou indirectement la constitution ou le fonctionnement d’associations;

9° de faire payer au locataire des charges autres que celles considérées comme récupérables;

10° de fixer une limite au droit du locataire de vérifier le montant des charges dont le paiement lui est réclamé;

11° d’exiger du preneur un dépôt de garantie supérieur à deux mois de loyer;

12° d’autoriser le bailleur à résilier unilatéralement le contrat en dehors des cas de mauvaise foi du locataire;

13° d’empêcher le jeu normal de l’article 1152 du code civil sur la révision des clauses pénales;

14° d’obliger le locataire à rembourser les frais et honoraires exposés pour le recouvrement judiciaire et de prévoir un remboursement forfaitaire des frais exposés en cas de recouvrement non judiciaire;

15° de déroger aux règles légales de compétence territoriale ou d’attribution.

Délibérée sur les rapports de MM. Bihl, Grise et Simonet dans ses séances des 27 mars, 24 avril, 26 juin, 25 septembre, 27 novembre 1979 et 4 février 1980 où siégeaient M. Paul Lutz, conseiller à la Cour de cassation, président, Mme Achach, Mlle Aubertin, MM. Bihl, Calais-Auloy, Cotte, Delcourt, Grise, Gross, Lemontey, Marleix, Semler-Collery, Simonet, membres.

 

Voir également :

Recommandation n° 00-01
Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur de l’immobilier